Il y a des révolutions silencieuses qui bouleversent notre rapport au monde. L’intelligence artificielle, et plus particulièrement les modèles de langage (LLM), en fait indéniablement partie. Pour comprendre l’impact de cette technologie sur l’éducation, il faut parfois remonter le fil de l’histoire et se demander : comment en sommes-nous arrivés là ?
De l’Homme vapeur à l’Homme silicium
Nous avons traversé des âges : celui de la vapeur, du charbon, puis du silicium. Aujourd’hui, à l’aube du graphène, nous portons la connaissance dans nos poches, littéralement. Un smartphone, un ordinateur, et soudain, l’accès à une intelligence qui apprend, corrige, explique, sans relâche et sans jugement.
Une rencontre avec l’IA : le choc du LLM
Je me souviens de la première fois où j’ai utilisé un LLM, il y a deux ans à peine. C’était un peu comme rencontrer un professeur particulier, disponible à toute heure, prêt à répondre à toutes mes questions, à corriger mes erreurs, à reformuler mes idées.
Ce n’était pas de la magie, mais cela y ressemblait.
Avant cela, des IA existaient déjà, mais jamais aussi accessibles, performantes, et surtout, jamais avec une telle fluidité dans l’échange.
Derrière cette prouesse, une infrastructure colossale, digne des plus grands géants du web. On comprend alors pourquoi ces IA sont devenues si populaires : elles sont puissantes, gratuites, et surtout, elles parlent notre langue, sans jargon ni barrière.
Pourquoi l’IA s’impose dans l’éducation
Mais la vraie question n’est pas comment l’IA est devenue utile, mais pourquoi elle s’impose aujourd’hui dans le domaine de l’éducation. Pour y répondre, il faut revenir à l’essence même de l’apprentissage.
Apprendre, c’est se tromper
L’apprentissage, c’est d’abord un cycle : essai, erreur, correction, reproduction. C’est la fameuse méthode ingénieuse.
Mais qui peut corriger un élève à chaque instant ? Un professeur ? Impossible. Même le plus dévoué des enseignants ne peut offrir une correction toutes les dix secondes, comme le fait un simulateur de vol pour un pilote ou un jeu vidéo pour un joueur.
En classe, la correction arrive souvent avec retard, parfois deux semaines après l’exercice. L’élève a déjà oublié, l’erreur s’est installée.
L’IA, elle, corrige instantanément, inlassablement, sans jamais se lasser ni juger.
La correction, clé de l’apprentissage
On croit souvent que la note est le centre de l’école. En réalité, c’est la correction qui fait progresser. La note n’est qu’un indicateur, parfois même un frein.
Car qui aime être jugé ? Qui ose se tromper devant les autres ?
L’IA, elle, ne juge pas. Elle explique, reformule, encourage. Elle devient ce mentor idéal, disponible pour chaque élève, sans fatigue ni impatience.
L’école, entre tradition et innovation
L’école a longtemps été pensée comme l’antichambre de la caserne, selon Jules Ferry. Un lieu de discipline, de transmission, parfois d’uniformisation. Mais n’oublions pas la bottega de Léonard de Vinci, ce lieu d’innovation, de mentorat, où l’on apprenait en faisant, en essayant, en se trompant.
Platon, sous le regard bienveillant de Socrate, n’a jamais reçu de note. Il apprenait par le dialogue, la correction, l’émulation.
Louis XIV avait Aristote, François 1er avait Léonard de Vinci : à ce niveau, pas de note, pas de classement, mais une éducation sur-mesure, fondée sur la confiance et la correction.
La note : outil ou obstacle ?
La note, c’est un peu comme une évaluation sur Internet : utile pour choisir un taxi ou un médecin, mais parfois réductrice pour juger un apprentissage.
Un diplôme, finalement, n’est qu’une note officielle, une garantie de compétence. Mais la note peut décourager.
Celui qui enchaîne les mauvaises notes finit par fuir la correction, par peur de l’échec. Celui qui reçoit de bonnes notes y prend goût, entre dans un cercle vertueux.
Mais l’apprentissage véritable, celui qui dure, ne se nourrit pas de la note, mais de la correction, de l’envie de progresser, de l’absence de jugement.
L’IA, mentor sans jugement
C’est là que l’IA change la donne.
Elle offre à chacun la possibilité d’être corrigé, encore et encore, sans jamais se lasser ni juger.
Elle casse la structure académique, elle met fin à l’Homo academicus pour ouvrir la voie à l’Homo innovator, celui qui ose, qui expérimente, qui apprend pour le plaisir d’apprendre.
L’IA, c’est le mentorat de masse, accessible à tous, sans hiérarchie, sans barrière.
Elle permet d’innover, d’essayer, d’échouer, de recommencer, sans crainte du regard des autres.
La culture, la structure… et l’avenir
Peter Drucker disait : “La culture mange la stratégie au petit déjeuner.”
Mais la structure finit toujours par façonner la culture.
L’IA, en bouleversant la structure académique, ouvre la voie à une nouvelle culture de l’apprentissage : libre, personnalisée, décomplexée.
Nous sommes devenus des “céphalophores”, pour reprendre Michel Serres : nous portons notre tête, notre savoir, dans nos mains, dans nos poches.
Jamais l’accès à la connaissance n’a été aussi simple, aussi immédiat, aussi universel.
Et maintenant ?
L’IA ne remplacera jamais la passion d’un enseignant, la chaleur d’une salle de classe, l’émulation d’un groupe.
Mais elle offre à chacun la possibilité de progresser à son rythme, de se tromper sans crainte, d’apprendre sans jugement.
L’avenir de l’éducation ne sera pas sans l’IA.
Il sera fait de dialogues, d’essais, d’erreurs, de corrections, de mentorat… et peut-être, enfin, d’un apprentissage libéré de la peur de la note.
Nous vivons une époque fascinante. À nous de l’inventer, de la questionner, de l’apprivoiser. Et surtout, de ne jamais cesser d’apprendre.